Les futurs possibles
de
l'agriculture
urbaine
http://reseaucvaab.free.fr/futurs_possibles.html
"Quand nos villes se couvriront de fermes"
Article de Michel KTITAREFF, Les Echos, 23 mai 2011 (édition papier), 20 mai 2011 (édition électronique)
Précédé d'une discussion/échange de méls des "Agros en RA - ThemAgro CVAAB Ceintures Vertes"
De : Philippe Sergent
Envoyé : jeudi 26 mai 2011
18:36
À :
(Agros en RA - ThemAgro CVAAB Ceintures Vertes)
Objet : Re: Agros en RA - ThemAgro CVAAB
Ceintures Vertes :
Bonjour à tous,
merci
à Marc Miquel de sa réponse très intéressante et complète sur le sujet, qui
montre que finalement une agriculture intensive hors-sol n'est pas antinomique
d'une forme d'agriculture durable même si effectivement cela est très différent
de l'agriculture bio, tout en représentant un nouveau loisir urbain.
Je
pense qu'a minima des initiatives de ce type localisées et même à but uniquement
vivrier c'est déjà intéressant et je ne parlerais même pas d'utopie urbaine
puisqu'on est déjà dans la réalité. Je parlerais plutôt d'un nouveau loisir
urbain et c'est peut-être un loisir plus créatif que de regarder une émission de
télé-réalité.
Dans ma banlieue parisienne, où je suis plutôt dans des
quartiers de petits pavillons, là aussi j'ai pu voir une évolution très nette,
où dans les jardins, les massifs de rosiers sont progressivement remplacés par
des plants de tomates, de courgettes, etc... , y compris en pots sur le balcon
(certes, ce n'est pas suffisant pour nourrir une famille toute
l'année).
Alors pourquoi pas du hors-sol bien maîtrisé sur les toits d'un
immeuble (et en guise de boutade je dirais que pour améliorer le bilan carbone,
les nouveaux jardiniers doivent monter sur le toit en prenant l'escalier plutôt
que l'ascenseur!!!)
Cordialement
le 26/05/11 11:19, Marc Grenet a écrit :
Mais c¹est le
triomphe de l¹agriculture intensive hors sol !
Marc
Grenet
De : Delanoe
Robert
Envoyé : jeudi 26 mai 2011
07:03
À :
(Agros en RA - ThemAgro CVAAB Ceintures Vertes)
Objet : Agros en RA - ThemAgro CVAAB Ceintures
Vertes :
Bonjour à tous les membres du Thémagro CVA-AB,
Je vous transmets un article intéressant des Echos de lundi dernier.
(ndlr: Les Echos, édition papier du lundi 23 mai 2011, e-publication le 20 mai)
Je vous recommande de le lire et de le commenter,.. si vous le souhaitez
!
Bonne journée
RD
20/05 | 07:00 | Michel Ktitareff
(ndlr: Les Echos, édition papier du lundi 23 mai 2011, e-publication le 20 mai)
" Quand nos
villes se couvriront de fermes "
Des «
fermes urbaines » commencent à apparaître de l'autre côté de l'Atlantique.
Produisant des fruits et légumes bio, elles pourraient répondre en partie aux
défis alimentaires du XXI e siècle. Reste à les développer à grande
échelle.
Ecrit par
Michel KTITAREFF
Cultiver
ses légumes sur le toit d'un immeuble. L'idée peut surprendre. En Amérique du
Nord, elle commence pourtant à se concrétiser dans plusieurs grandes villes.
Depuis peu, les habitants de Montréal ont ainsi la possibilité de commander
chaque semaine leurs légumes frais en ligne, avant de venir les chercher sur un
point de livraison à proximité de chez eux. « Ces légumes sont cueillis dans la
journée et ne subissent aucune forme de stockage ou de réfrigération avant leur
livraison immédiate », assure Mohamed Hage, président et fondateur de Lufa
Farms, à l'origine de cette initiative. Pas de stockage, et pour cause :
les laitues, tomates et concombres proposés à la vente sont cultivés sur
place, dans une vaste serre installée sur le toit plat de l'immeuble d'un
éco-quartier de Montréal, Ahuntsic Cartierville. Sur un peu moins
de 3.000 m 2 (la surface d'un terrain de basket-ball), cette « ferme urbaine »
peut - en théorie -fournir des légumes frais douze mois par an, à près de 2.000
personnes. Plusieurs centaines de familles se seraient d'ores et déjà
engagées à commander leurs légumes auprès de Lufa Farms.
Potentiel
considérable Une petite révolution
agricole se prépare peut-être outre-Atlantique. Les expérimentations de ce type
laissent en tout cas entrevoir un potentiel considérable. La technique de
culture hydroponique - une production hors sol où la terre est remplacée par un
substrat qui contient tous les nutriments dont la racine du légume a besoin pour
se développer -n'est certes pas nouvelle. Et la culture en serre est pratiquée
depuis longtemps partout dans le monde. Mais la véritable originalité des fermes
urbaines tient à l'association de différentes technologies : le mode de
production agricole, la gestion informatisée de cette production,
le recours aux énergies renouvelables, etc. A production égale, la serre
de Montréal consomme par exemple 40 fois moins d'eau qu'une exploitation
traditionnelle, et offre des rendements en moyenne 10 fois supérieurs.
Plus important encore, cette production offre aux consommateurs des produits «
propres », sans pesticides ni engrais, ayant une meilleure valeur nutritive et
plus riches en saveur, puisque cueillis à maturité.
Les
promesses d'une telle production urbaine sont à mettre en perspective avec le
défi alimentaire auquel va être confrontée la planète dans les années à venir.
En 2050, on prévoit 9 milliards d'habitants sur terre, dont les deux tiers
seront des citadins. Pour faire face à ce surplus de bouches à nourrir, les
experts considèrent que peu de surfaces cultivables nouvelles sont disponibles.
De plus, la logistique alimentaire (stockage, conservation, distribution)
semble elle aussi proche de ses limites, surtout en ce qui concerne
l'approvisionnement des très grandes villes. S'il fallait les repousser
encore, ce serait au prix de dégâts supplémentaires pour l'environnement, du
fait de la pollution liée notamment au transport des aliments.
Les promoteurs du concept de fermes urbaines rêvent d'un
monde bien différent. « Demain, les géants mondiaux de la distribution
alimentaire n'auront plus besoin des paysans pour se fournir en fruits et
légumes », ne craint pas d'affirmer Christopher Ng, directeur opérationnel de
Valcent, une autre société de fermes urbaines canadienne, installée à Vancouver.
Qui dispose elle aussi d'un premier site, implanté dans le zoo de Paignton, au
sud-ouest de l'Angleterre. Sur place, le système mis au point par Valcent,
VertiCrop, nourrit déjà la plupart des animaux herbivores. Il est entièrement
automatisé : disposées en chaînes, sur plusieurs étages, les cultures sont
déplacées au gré d'un programme informatique qui détermine leurs besoins en eau
et en lumière. « D'une certaine façon, la philosophie de notre système
correspond au procédé qu'avait inventé Henry Ford avec la première chaîne de
montage automobile à Detroit », résume Christopher Ng. L'installation du
zoo britannique n'occupe que 371 m 2 mais permet de produire environ 70.000
tonnes de nourriture par an. Selon Valcent, il faudrait une surface de 6,5
hectares (200 fois supérieure) pour arriver au même résultat avecl'agriculture
traditionnelle. Pour
écouler la production de ses futures fermes à destination des consommateurs
-humains cette fois -, Valcent négocie déjà avec plusieurs géants
américains et européens de l'industrie agroalimentaire. Ceux-ci produiraient
eux-mêmes les fruits et légumes dont ils ont besoin pour fabriquer les produits
emballés que l'on trouve dans les supermarchés, à partir de serres construites
sous licence Valcent. Une vraie rupture avec le système
d'approvisionnement existant. Et la garantie, en théorie, d'être livré sans se
soucier des aléas climatiques ou de transport... Nous n'en
sommes pas encore là, mais le mouvement semble bel et bien enclenché. Y compris
aux Etats-Unis. Plusieurs entreprises, comme Home Town Farms, à San Diego, ou
Sky Vegetables, à Boston, ont elles aussi développé des fermes urbaines, qui
partagent toutes l'ambition de « révolutionner » les habitudes alimentaires des
citadins. « C'est une industrie entièrement nouvelle que nous
voulons créer », reconnaît Robert Fireman, PDG de Sky Vegetables. Cet
entrepreneur expérimenté - qui ne connaissait rien à l'agroalimentaire il y a
encore deux ans -a embauché un brillant universitaire californien qui avait fait
sensation en présentant, début 2010 à l'université de Berkeley, près de San
Francisco, son propre concept de ferme urbaine à un public de spécialistes. Un
exposé si remarqué qu'il a directement inspiré la technologie de Sky Vegetables,
et a permis à Robert Fireman de lever les fonds nécessaires. La start-up, qui a
par ailleurs embauché de nombreux spécialistes de l'hydroponie, ouvrira sa
première ferme urbaine - deux fois plus grande que celle de Montréal -dans le
courant du mois de juin, à Boston. Sky Vegetables proposera sa production aux
restaurants, aux écoles et aux hôpitaux des environs. A terme, la société veut
multiplier les fermes urbaines sous sa bannière, en s'appuyant sur des
franchisés un peu partout dans lesgrandes villes américaines.
« Depuis deux ans, nous tentons de convaincre les élus
pour qu'ils modifient la législation, afin de permettre d'installer nos fermes
sur les toits plats des immeubles de leurs villes », explique
Robert Fireman. Un atout
environnementalParmi les arguments
susceptibles de convaincre ces édiles, l'atout environnemental peut compter :
cultiver au sein même des villes réduit par définition les rotations des camions
de livraison, donc la pollution ambiante. Mais ce n'est pas tout. Les fermes
urbaines sont par ailleurs capables de recycler une partie de la chaleur émise
par les bâtiments qu'elles surplombent. Sky Vegetables assure que les
discussions avancent vite avec New York et surtout San Francisco, qui
autoriserait bientôt une grande ferme sur le toit du Moscone Center, le plus
important centre de conférences de la ville. Les plus
enthousiastes considèrent que le concept de fermes urbaines pourrait même avoir
des retombées positives sur le plan social. Aux Etats-Unis, plusieurs promoteurs
de fermes urbaines ont mis au point des programmes de formation pour piloter
leurs établissements, à destination de chômeurs, de personnes déclassées ou de
jeunes en difficulté. « Nous travaillons avec des organismes sociaux
californiens qui commencent à intégrer nos programmes de formation », précise
Dan Gibbs, le PDG de Home Town Farms, qui doit prochainement boucler le
financement de sa première ferme urbaine de 4.000 m 2, en plein centre-ville de
San Diego. Peu d'investisseursReste, désormais, à convaincre le plus d'interlocuteurs
possible de ces avantages. « Nous n'avons pas besoin de subventions, le modèle
est rentable, mais il faut encore le prouver », admet Dan Gibbs, résumant l'avis
général. De fait, les investisseurs en capital-risque, pourtant si actifs
en Amérique et toujours à la recherche de technologies en rupture, répugnent
encore à miser sur des secteurs traditionnels, comme l'agriculture, qu'ils
connaissent mal. Quant aux banquiers qui pourraient financer ces
nouveaux outils de production que sont les fermes urbaines, ils ne veulent
prendre aucun risque. Ils attendent de voir si le modèle économique fonctionne,
avant d'ouvrir leurs carnets de chèques. Une situation qui n'inquiète pas les
pionniers actuels. Valcent, déjà coté en Bourse, assure que son installation de
Paignton, qui a représenté un investissement de 1 million de dollars environ,
sera amortie en moins de trois ans. D'ailleurs,
d'autres sources de financement potentielles existent. Les chaînes de
supermarchés pourraient, comme les grands groupes agroalimentaires, se lancer
elles-mêmes dans la production. L'une d'entre elles, Whole Foods,
finance déjà des petits producteurs locaux de fruits et légumes bio, pour
répondre à l'attente de ses clients - et réduire ses coûts d'acheminement. Sky
Vegetables assure être déjà en négociation avec cette chaîne, qui pourrait même
installer certaines serres directement sur ses grandes surfaces. « Le problème,
c'est que l'on produirait plus que le magasin ne pourrait vendre, il faudrait
alors réfléchir à un système de distribution approprié », souligne Robert
Fireman. Quoi qu'il en soit, l'avenir semble prometteur. Le
professeur Dickson Despommier, pionnier d'un concept qu'il a
théorisé dès 1999 avec ses élèves de l'université de Columbia, près de New York,
en est persuadé. Auteur d'un livre récent sur le sujet, « The Vertical
Farm », il assure que, dans sa version ultime, une ferme urbaine pourrait bien
prendre l'apparence d'un immeuble tout entier, conçu dès l'origine dans ce
but. Un gratte-ciel qui permettrait même d'élever des animaux à deux
pattes (poulets, canards, etc.), et même des poissons. Cette serre géante,
capable de nourrir des dizaines de milliers d'habitants, pourrait partager son
espace avec des lieux d'habitation, des bureaux ou des commerces de proximité.
Plusieurs cabinets d'architectes internationaux ont déjà imaginé de telles
constructions, au Moyen-Orient ou à New York (Dragonfly). « A condition de
réunir dans une même pièce tous les spécialistes concernés ayant une attitude
positive, c'est possible », affirme-t-il. Possible,
mais encore pour demain. « Les investissements sont considérables et il faut
donc faire d'abord la preuve que cela marche à une échelle plus raisonnable »,
poursuit Dickson Despommier. Selon lui, l'urgence serait plutôt de mobiliser le
gouvernement américain afin qu'il attribue une (faible) part -selon lui 2
milliards de dollars suffiraient -de l'argent qu'il accorde à la recherche
publique pour financer des programmes de recherches universitaires sur ce thème.
« Les universités sont le cerveau de notre pays et beaucoup ont déjà lancé des
programmes expérimentaux. Il suffirait de les aider pour accélérer l'avènement
de cette forme d'agriculture. » Signe que les choses bougent: un représentant de
l'administration Obama l'aurait récemment appelé à ce sujet...
MICHEL
KTITAREFF, Les Echos À PALO
ALTO